En France, les histoires de retrait de titre de séjour ou de nationalité se multiplient. L’une des victimes de ce système est Djamila, 77 ans, reconnue comme Française pendant près de 20 ans.
Un tribunal parisien va pourtant annuler son certificat de nationalité, affectant ainsi ses enfants, qui perdent, eux aussi, leur nationalité française.
Tout commence en 2000, lorsque Djamila, née en Algérie, et 3 de ses enfants, obtiennent officiellement la nationalité française, rapporte le journal Libération.
« Pourquoi ils nous retirent quelque chose qu’ils nous ont donné ? »
Mais tout s’écroule en 2016, quand une simple demande de renouvellement de papiers déclenche une enquête. Trois ans plus tard, en 2019, le tribunal judiciaire de Paris annule les certificats.
« Pourquoi ils nous retirent quelque chose qu’ils nous ont donné ? », s’interroge Djamila. Son grand-père avait été naturalisé Français en 1896, mais l’administration française a relevé un décalage dans sa date de naissance, ce qui a suffi à remettre en cause toute la filiation.
Dans ce type d’affaires, des familles entières se voient contester leur nationalité sur la base d’un détail administratif.
L’article 30 du Code civil français prévoit que c’est à l’intéressé d’apporter la preuve de sa filiation. Or, les registres d’état civil algériens du siècle dernier sont souvent lacunaires.
« Pourquoi la France nous manque-t-elle autant de respect ? »
« Une famille peut perdre la nationalité à cause d’un chiffre ou d’une lettre mal retranscrite sans tenir compte du chaos des registres d’état civil de l’époque coloniale », observe l’avocat Stéphane Maugendre, président honoraire du Groupe d’information et de soutien des immigrés, dans les colonnes de Libération.
Dans le cas de Djamila, l’annulation menace ses 14 enfants, des petits-enfants, et même des arrière-petits-enfants. Au total, une quarantaine de personnes qui risquent de devenir des sans-papiers du jour au lendemain.
« On pourrait être nombreux à tomber avec elle », s’inquiète une de ses filles, Latifa, la quarantaine. Tandis que Farès, son aîné, la soixantaine, dénonce :
« Pourquoi la France nous manque-t-elle autant de respect alors que nous avons tous les documents qui prouvent que notre arrière-grand-père a été naturalisé ? Nous ne sommes pas des malfaiteurs ».
Selon les chiffres du journal français, plus de 2.400 dossiers liés à la nationalité française ont été jugés en 2024. Et même si les actions directes du ministère public représentent moins de 5 % de ces affaires, ce sont souvent les descendants d’Algériens qui sont dans le collimateur.
L’avocate de la famille de Djamila, Me Elena Velez de la Calle, alerte : « J’ai rarement vu des procédures qui vont aussi loin. La violence que subissent des Français, qui se retrouvent du jour au lendemain comme des immigrés à peine entrés sur le territoire, est ahurissante ».
Un combat judiciaire sans fin
Les enfants de Djamila ont pourtant tout tenté pour sauver leur statut en France. Ils ont fouillé les archives dans les deux pays, et ont retrouvé des documents officiels datant de la colonisation.
Il est notamment question d’une attestation du ministère des Armées confirmant que le grand-père avait été réformé de la Première Guerre mondiale à cause d’un pied bot. Hélas, ces preuves n’ont pas suffi.
En parallèle, un des fils de Djamila a tenté la procédure de « possession d’état », qui permet à toute personne de revendiquer la nationalité si elle a été reconnue comme Française par l’administration pendant plus de 10 ans.
Mais là encore, la demande a été rejetée, malgré des décennies de vie en France, de travail et de scolarisation de ses enfants.
En attendant une décision de la Cour de cassation, Djamila se désole de cette fin de vie. Depuis la mort de son mari en 2021, elle partage son temps entre la Kabylie et les Hauts-de-Seine : « Pendant que je cours derrière des papiers, mes voisines sont entourées de leurs enfants et de leurs petits-enfants ».