En France, se retrouver avec un prénom arabe n’est pas l’idéal. Mais de là à devoir changer de prénom, il y a tout de même un sacré bout de chemin à faire.
C’est pourtant ce que Mohamed Amghar a dû faire, mis le dos au mur par son employeur et par les circonstances de la vie. Né en France de parents Algériens, ce Français, désormais à la retraite, a dû travailler pendant 20 ans comme ingénieur commercial sous le nom d’Antoine. Il raconte son histoire au journal français Le Parisien.
Il s’appelle Mohamed, mais son entreprise l’appelle Antoine
Tout commence pour Mohamed Amghar en fin de 1996. Il venait alors de réussir son recrutement par l’entreprise Intergraph France. Mais contre toute attente, son responsable lui « demande de changer de prénom » et de se faire appeler désormais Antoine.
« Le sentiment que j’avais, c’était la colère et aussi la honte… J’ai donc ravalé ma honte, mais la colère, elle, ne m’a jamais quittée », a-t-il confié à Radio France.
Mohamed, père de trois enfants et déjà âgé de 45 ans au moment des faits, ne dit pas non. « J’étais coincé », justifie-t-il, expliquant alors que « de janvier 1997 jusqu’en avril 2017, il a travaillé sous le nom d’Antoine ».
« Jamais mon travail a été reconnu sous mon vrai nom »
Mohamed explique « qu’il n’a jamais eu d’explication » sur les raisons de ce changement de prénom. Les choses restent cependant claires. Malgré sa nationalité française, son bac +5 et son diplôme d’ingénieur, Mohamed a été considéré comme un citoyen de seconde zone. « C’est du racisme, de la discrimination », estime-t-il.
Mohamed se rappelle avec amertume les 20 années durant lesquelles il a dû s’appeler Antoine. « Pendant 20 ans, on a nié mon identité, ce n’est pas rien, 20 ans. C’est une blessure terrible qui ne se refermera jamais ».
Mohamed Amghar a gardé toutes les « Awards » qu’il a reçus lors de sa carrière chez Intergraph. « Je me disais que peut-être, un jour, ça me servirait », a-t-il indiqué.
En effet, sur ces récompenses, qui se comptent par dizaines, figure toujours le nom d’Antoine, et jamais celui de Mohamed (sauf un seul où c’est marqué Mohamed-Antoine). « Jamais mon travail a été reconnu sous mon vrai nom », déplore-t-il.
Mohamed obtient gain de cause
Suite à son départ en retraite en 2017, Mohamed décide d’attaquer son ancien employeur en justice. Il engage une avocate qui met l’entreprise en demeure et demande une réparation à l’amiable. Intergraph refuse, et l’affaire est alors portée devant les prud’hommes.
En 2022, Mohamed est débouté. Mais ce Français d’origine algérienne ne lâche pas l’affaire et fait appel. Début 2025, sa lutte paie et la cour d’appel lui donne raison.
Intergraph vient, en effet, d’être condamné au civil « pour discrimination fondée sur l’origine, harcèlement moral et violation de la vie privée », indique Le Parisien.
La société a dû verser à Mohamed 30.000 € en guise d’indemnisation. « Ce n’est absolument pas dissuasif », estime pourtant ce retraité qui souligne que Intergraph est une « société milliardaire » et que cette sanction ne représente absolument rien à ses yeux.