Le respect par la France des engagements juridiques et diplomatiques quand il s’agit d’expulser des ressortissants algériens est de plus en plus questionné.

Les expulsions des ressortissants étrangers réguliers se sont effectivement multipliées, et ce, depuis l’adoption de la nouvelle loi immigration en janvier 2024 puis la nomination de Bruno Retailleau comme ministre de l’Intérieur en septembre de la même année.

Les ressortissants algériens sont régulièrement concernés. Cela suscite de vives tensions diplomatiques entre Alger et Paris, à l’heure où les relations entre les deux pays sont au plus bas. 

Si la récente expulsion de l’influenceur algérien Doualemn a ravivé les débats, d’autres ressortissants algériens ont pâti de décisions prises par des préfets, sans attendre l’avis de la justice.

Expulsions des Algériens de France : un « abus de pouvoir »

 

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La récente affaire de l’expulsion de l’influenceur Doualemn le 9 janvier 2025 pose de sérieuses questions concernant les procédures de retrait de titre de séjour et les pratiques des autorités françaises.

Par la voix de son ministère des Affaires étrangères, l’Algérie a dénoncé, ce 11 janvier, une « expulsion arbitraire et abusive ». Dans le même communiqué, il est souligné que les ressortissants algériens en situation régulière en France ne devraient pas faire l’objet d’une décision unilatérale d’un préfet.

Tout ressortissant algérien en situation régulière doit, en effet, pouvoir faire valoir ses droits devant les juridictions françaises et européennes, des droits qu’on a voulu retirer à Boualem N., surnommé Doualemn sur les réseaux sociaux.

Via son communiqué, la diplomatie algérienne n’a pas manqué de rappeler que « le droit à un procès judiciaire équitable, en cas d’infraction, constitue un rempart contre l’abus de pouvoir ».

L’affaire Doualemn n’est cependant pas un cas isolé. D’autres ressortissants algériens ont été confrontés à des situations similaires et ont fait l’objet d’expulsions expéditives, alors même qu’ils avaient des situations familiales et personnelles ancrées en France.

La justice de son côté, un Algérien à Béziers est tout de même expulsé

Une affaire à Béziers, qui remonte à juillet 2023, illustre parfaitement la tendance de la France à jouer avec le respect du droit et des conventions internationales quand il s’agit d’expulser un ressortissant algérien.

Dans cette affaire du genre, Robert Ménard, maire d’extrême droite de Béziers, ancien proche d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen, a refusé de célébrer le mariage d’un Algérien de 23 ans avec une Française de 29 ans.

La raison du refus invoquée est la suspicion d’un « mariage blanc », et ce, malgré le feu vert à l’union donné par la justice.

Le parquet avait effectivement auditionné séparément les deux époux, et avait conclu de « ne pas surseoir au mariage » en raison du manque « d’indices sérieux permettant de présumer l’absence de consentement matrimonial ».

En dépit de la validation judiciaire, le ressortissant algérien a été placé au centre de rétention administrative de Sète le 17 juillet 2023, puis rapidement expulsé vers l’Algérie le 20 juillet de la même année, sur ordre du préfet de l’Hérault de l’époque, Hugues Moutouh.

« C’est un symbole de l’extrême droite au pouvoir »

Alors que le jeune Algérien a été expulsé, son épouse est restée en France. Le couple vit depuis une séparation forcée qui a offusqué les associations de défense des droits humains. De vives critiques ont effectivement été exprimées par la Libre Pensée de l’Hérault et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP).

Quant à l’affaire Doualemn, elle crée une véritable polémique parmi les différents camps politiques français. La secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, interrogée, ce dimanche 12 janvier, par ces expulsions controversées, a ouvertement critiqué la stratégie du gouvernement français.

Revenant sur la manière dont Doualemn a été renvoyé vers l’Algérie alors qu’un procès l’attend en France dans un peu plus d’un mois, elle a déclaré dans l’émission « Le Grand Jury» :

« Expulser des gens dont un procès est prévu le 14 février, sans attendre leur procès, c’est un symbole de l’extrême droite au pouvoir… Quand vous avez un ressortissant d’un pays, que vous voulez le renvoyer dans son pays, ça se fait avec l’accord du pays. Les gens ne sont pas des colis La Redoute. Vous ne pouvez pas dire : “tiens, je l’envoie, retour à l’expéditeur” ».

Marine Tondelier a également pointé du doigt les discours violents du ministre français de l’Intérieur, affirmant que « Bruno Retailleau est dans la provocation », et que « ce qu’il fait est contraire à l’État de droit».

Des propos qui vont dans le sens des déclarations de la diplomatie algérienne, laquelle exige que les expulsions soient encadrées par un processus judiciaire transparent et équitable.