Depuis le début de la crise diplomatique entre la France et l’Algérie, de nombreux hommes politiques français, notamment de la droite et de l’extrême droite, réclament la fin de l’accord franco-algérien de 1968.

Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, se dit aussi favorable à l’abrogation de l’accord, estimant qu’il facilite l’obtention par les Algériens de titres de séjour en France.

D’un point de vue juridique, l’accord de 1968 est-il réellement avantageux pour les Algériens ? Interrogé à ce propos par le journal Libération, Me Morade Zouine, avocat au barreau de Lyon, spécialisé dans le droit des étrangers et de la nationalité, a décrypté ce document.

L’accord de 1968 est-il aussi avantageux pour les Algériens ?

D’emblée, il explique que l’accord franco-algérien de 1968 est « en réalité une remise en cause des accords d’Évian, qui prévoyaient la libre circulation des Algériens sur le territoire métropolitain français ». Il s’agit, en quelque sorte, d’une régression des droits des ressortissants algériens, a-t-il dit.

Avant sa modification, à trois reprises, cet accord était certes avantageux pour les Algériens. Par exemple, ils étaient les seuls étrangers à pouvoir bénéficier d’un titre de séjour s’ils résident en France depuis au moins dix ans, même irrégulièrement.

Toutefois, l’accord de 1968 a connu trois avenants en 1985, 1994 et 2001, ce qui l’a vidé de sa substance et l’a rendu beaucoup moins avantageux aux ressortissants algériens en France. L’amendement de 1985, par exemple, leur impose de solliciter une autorisation de travail et instaure l’obligation de recueillir une autorisation de regroupement familial.

Suite à ces trois avenants, Me Morade Zouine affirme qu’il reste, certes, des spécificités réservées aux Algériens, mais elles « ne sont pas nécessairement avantageuses » et les seules hypothèses où elles le sont « ne concernent quasiment que les titres de séjour de plein droit ».

Dans certains cas, les Algériens sont désavantagés à cause de cet accord

Pour étayer ses propos, le juriste explique que les ressortissants algériens sont soumis au droit commun concernant les mesures d’éloignement et de rétention administrative. C’est le cas aussi pour la régularisation des Algériens en situation irrégulière. « Aucune spécificité n’est reconnue aux sans-papiers », souligne-t-il.

Pis encore : dans certains cas, les Algériens sont même désavantagés à cause de cet accord. Pour faire court, l’avocat indique qu’ils ne bénéficient pas des avancées du droit des étrangers depuis 2001.

À titre d’exemple, ils n’ont pas droit aux cartes pluriannuelles et aux cartes pluriannuelles « talents », et ne bénéficient d’aucune des dispositions protégeant les victimes de traite d’êtres humains ni les victimes de violences intrafamiliales, détaille-t-il.

De surcroît, les Algériens sont pratiquement exclus de la régularisation par les métiers en tension. Concernant les étudiants algériens en France, il fait savoir qu’ils n’ont pas de droit au travail et qu’ils sont obligés de demander une autorisation préalable pour pouvoir travailler.

Par rapport aux quelques spécificités avantageuses, il cite notamment la carte de séjour de dix ans qui peut être obtenue après un an de résidence, contre trois pour les autres étrangers hors UE. De plus, le titre de séjour des conjoints peut être obtenu immédiatement après l’entrée en France avec un visa de court séjour.

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