Formés en Algérie, de nombreux médecins algériens partent à l’étranger, notamment la France. Partant à la recherche de lendemains meilleurs, ils se retrouvent souvent mal payés et peu considérés, et sans trop de perspectives d’évolution professionnelle.

Radio France a consacré, ce mercredi 8 janvier, une émission aux Praticiens à diplôme hors Union Européenne, appelés communément les Padhue.

Le média français souligne que ces médecins étrangers « font exactement le même travail que les diplômés de l’UE, sauf qu’ils ne sont pas payés pareils ni administrativement considérés de la même manière ».

« Des gardes pour arrondir les fins de mois »

Parmi ces padhue qui exercent en France, il y a beaucoup d’Algériens. Belkacem et BM en font partie. Formés en Algérie tous les deux, leurs témoignages se rejoignent pour encenser la qualité de la formation en Algérie et pour déplorer la qualité des hôpitaux et les conditions de travail.

Belkacem confie qu’il a eu son diplôme en Algérie en 1993, et qu’il a accédé au statut de Padhue en France en 2019 dans un hôpital à René-Sous-Bois, « avec un salaire mensuel de 1.800 €, alors que certains de ces confrères étaient payés le triple de son salaire en faisant la même chose ».

Pourtant Belkacem faisait un travail acharné et traitait « jusqu’à 15 patients chaque jour ». Le médecin algérien, qui possède également la nationalité française par mariage, confie « qu’il faisait des gardes pour arrondir ses fins de mois ».

« On est un petit peu mal traités », dénonce ce médecin algérien qui explique qu’il était coincé « dans un contrat de six mois renouvelable avec toujours la crainte de ne pas être renouvelé ». Il dévoile qu’il a fini par changer d’hôpital, pour travailler à celui de Gonesse, dans le Val-d’Oise.

« On profite de notre précarité »

Belkacem fait remarquer que les médecins qui font les mêmes tâches que lui sont payés « plus que le double de son salaire ». Ce padhue est recruté en tant que médecin praticien en pédopsychiatrie responsable de la gestion de deux centres médico-psychologiques.

Le médecin algérien estime que le statut de padhue est « dévalorisant ». Cependant, la seule solution pour en sortir c’est de suivre la Procédure d’autorisation d’exercice (PAE), avec, comme première étape, le passage des épreuves de vérification des connaissances (EVC).

Pour Belkacem, il est impossible de réussir cet examen vu la charge de travail à l’hôpital, d’autant plus qu’en cas d’échec, il serait obligé de basculer vers un contrat étudiant, alors qu’il exerce comme médecin spécialiste depuis 31 ans.

« On profite de nous dans cette condition de précarité pour nous faire travailler beaucoup et nous payer moins cher », conclut ce padhue qui a fait sa formation de médecin à l’université de Constantine.

« On exerce en tant que médecins mais nos diplômes ne sont pas reconnus »

Exerçant dans le même hôpital que Belkacem, B. M., une docteure algérienne, souffre des mêmes problèmes que son confrère. Après 12 ans d’études de médecine en Algérie, cette pédiatre fait un passage au Sahara algérien où elle prend en charge « les grandes urgences pédiatriques ».

La spécialiste décide finalement de partir en France et arrive dans l’hôpital de Gonesse, dans le Val-d’Oise. « En mettant ma blouse le premier jour, j’ai compris que j’étais une Padhue, ce qui veut dire qu’on est actifs en tant que médecins mais que nos diplômes ne sont pas reconnus ».

B. M. indique qu’elle « fait le travail d’un médecin normal, mais dans des conditions très précaires ». À titre d’exemple, elle évoque son titre de séjour ou figurent les termes « stagiaire associé » et « non autorisé au travail ». « On reste avec ce statut pendant deux ans et on est obligé de renouveler chaque six mois », a-t-elle déploré.

Payée à 1.400 €, elle travaille 7/7 jours

Concernant le salaire, B. M. dévoile qu’elle est à 1.400 € nets, soit le Smig en France, alors qu’un médecin spécialiste qui a le même niveau d’études qu’elle est payé au moins quatre fois plus. B. M. survit ainsi grâce aux heures supplémentaires au péril de sa propre santé.

La pédiatre témoigne qu’elle travaille « tous les jours de la semaine avec un congé de 25 jours sur une année ». B. M. parle de « surexploitation » et de « mépris ». « Où est la justice dans tout ça ? », se demande-t-elle.

« Les gens ne comprennent pas comment un médecin spécialiste peut vivre dans ces conditions… C’est parce qu’on pense à la sécurité du patient, mais il faut aussi penser à la sécurité du soignant », a-t-elle conclu.

Classé dans:

Divers,