C’est l’histoire de Moustafa, un jeune Algérien qui a quitté son pays pour rejoindre l’Europe sur une embarcation. C’est aussi l’histoire de Lara, une Française engagée dans le bénévolat.
Par un curieux hasard, leurs chemins se sont croisés et ils se sont immédiatement appréciés. Quatre ans plus tard, ils forment une heureuse famille avec enfants.
Algérie-Espagne sur une barque, l’enfer des migrants sans-papiers
Originaire d’Alger, Moustafa est aujourd’hui âgé de 30 ans. Il grandit à El Marsa, sur la pointe Est de la baie d’Alger, dans une famille nombreuse et très pauvre. Il caresse le rêve d’un avenir meilleur depuis tout jeune, et l’occasion se présente à lui en juin 2020, lorsqu’il prend la mer pour l’inconnu.
Moustafa embarque ainsi pour une traversée périlleuse de 28 heures jusqu’en Espagne. Dix hommes sur un petit bateau, « c’était un cauchemar », confie-t-il au quotidien Nice Matin.
Il foule enfin le sol européen, mais son sort ne s’améliore pas pour autant. En Espagne, le jeune Algérien endure trois mois de galère : il se cache, a peur d’être expulsé, dort à la belle étoile…
Il avance peu à peu de Murcie vers Alicante puis Barcelone, et s’engage ensuite à traverser la frontière avec la France à deux reprises.
Moustafa raconte : « J’ai marché seul pendant 17 heures dans la montagne pour passer la frontière de Portbou en Espagne à Cerbère en France ». Il sera interpellé et renvoyé en Espagne mais retentera sa chance, cette fois dans un train pour Perpignan.
« J’étais caché dans les toilettes, les pieds en sang », ajoute-t-il. Il reste un mois à Toulouse, va à Marseille et poursuit son périple jusqu’à Cannes, où il est débarqué d’un train par un contrôleur.
Là, il va travailler dans les chantiers, mais n’a toujours pas d’abri : « La nuit, on dormait à cinq dans une voiture stationnée, je me douchais chez des Algériens. Il y a une solidarité entre nous ».
« J’ai su voir son identité d’homme derrière le migrant en galère »
Et c’est dans cette ville qu’il fera la connaissance de sa future épouse, Lara. Française de 37 ans d’origine italo-ghanéenne, la jeune femme a débarqué à Cannes en 2014 et depuis, elle s’engage auprès des plus démunis à travers des maraudes.
En aidant les sans-abri dans la rue, elle cherche avant tout à leur donner « de la considération et de la dignité ». Elle rencontre Moustafa pour la première fois un soir de décembre 2020, en confinement partiel, alors qu’elle apporte un grand plat de couscous devant la mairie annexe de la Ferrage.
Le jeune Moustafa âgé de 25 ans lui demande « juste un gâteau », ce qui lui vaudra le surnom de «Monsieur Gâteau ». Une semaine plus tard, ils vont ensemble chercher des invendus chez Leclerc.
C’est ainsi qu’est née leur histoire et qu’elle se poursuivra avec deux petites filles, Liya et Zahra, un mariage religieux à la mosquée de Cannes, puis un mariage civil.
Lara témoigne : « Sa bienveillance et son humanité m’ont touché. Ce mec était personne, ne parlait pas un mot de français, mais je n’avais jamais autant ri avec quelqu’un. J’ai su voir son identité d’homme derrière le migrant en galère. Le bonheur nous a explosé à la gueule… J’ai voulu lui donner de la dignité, il m’a donné une famille ».
Moustafa finit avec femme, enfants et papiers en règle
En août 2022, ils célèbrent leur mariage à la mairie de Cannes, «un mariage d’amour », tiennent-ils à préciser, car quelques semaines plus tôt, Moustafa avait obtenu un titre de séjour d’une année, lequel sera renouvelé pour une année encore en 2023.
Être légalement sur le sol français lui permet d’apprendre le français au centre social Charles Vincent. Il peut également se trouver un emploi, ce qu’il fait en se faisant engager comme plongeur à l’hôtel Carlton.
De son côté, Lara travaille comme auxiliaire de vie, toujours avec cette volonté inébranlable d’apporter son aide aux personnes dans le besoin.
Le couple vit aujourd’hui avec ses filles dans un modeste deux-pièces à Cannes, et les responsabilités familiales ne les détournent pas de l’entraide sociale, bien au contraire.
Moustafa, qui était parti de loin, a désormais une famille, des filles élevées avec des valeurs de solidarité et de respect, et une femme aimante qu’il ne quittera pour rien au monde : « C’est incroyable. J’ai une famille. J’adore être un papa, je grandis avec mes filles. Je serais avec elle jusqu’à la mort ».