À mesure que le mois sacré de Ramadan approche, les musulmans d’Angers, dans le Maine-et-Loire, s’impatientent de se voir livrer leur mosquée tant attendue depuis près de 15 ans.

En attendant, ils prennent leur mal en patience en accomplissant leurs prières dans un préfabriqué incommode.

« On ne peut pas prier dans ces conditions déplorables »

Témoignant pour le quotidien français Ouest-France, de nombreux fidèles ont exprimé leur frustration de ne pas pouvoir prier dans des conditions décentes lorsqu’ils se rassemblent pour la prière du vendredi.

Le préfabriqué qui sert de salle de prière aux musulmans à Angers a été installé dans le quartier de la Roseraie, boulevard du Doyenné. Petit, il ne peut accueillir tous les fidèles, et nombreux sont ceux qui se retrouvent à prier dans la rue, qu’il pleuve ou qu’il vente.

Ce vendredi 10 janvier, ils étaient près d’un millier à se serrer à l’intérieur et à l’extérieur du préfabriqué. Une situation de plus en plus insoutenable.

« C’est pareil tous les vendredis. Parfois, on est même plus que ça », confie un fidèle du nom de Karim, qui a gardé son bonnet lors du prêche de l’imam, tandis que d’autres ont gardé leurs manteaux pour résister au 4 °C et à la pluie.

Pour un autre intervenant, Abdelmajid Elfhel, 49 ans, la communauté musulmane de la ville n’est ni estimée ni respectée, et cela est inacceptable.

« Un peu avant 2010, on avait déjà trop de monde. On ne se sent pas respecté comme citoyens français. Ici, on est père de famille, étudiant, travailleur. On participe à tous les niveaux de la société. On ne peut pas prier dans ces conditions déplorables », se désole-t-il.

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15 ans plus tard, ils attendent encore leur mosquée

À Angers, cette situation pesante pour les musulmans remonte à près de 25 ans, lorsque les fidèles ont commencé à se rassembler dans un petit préfabriqué devenu par la suite propriété de l’Association Musulmane d’Angers (AMA).

Aujourd’hui, certains envisagent carrément de quitter la ville. « Ma fille, bientôt ingénieure, souhaite partir. Elle n’arrive pas à trouver sa place ici », poursuit Abdelmajid Elfhel.

L’attente a effectivement trop duré, comme l’exprime un intervenant anonyme : « Les juifs ont leur synagogue, les catholiques leurs églises, et c’est très bien. Nous, on n’a pas de lieu où on peut tous prier dignement ».

En 2011, le projet d’une vraie mosquée dans le quartier des Hauts-de-Saint-Aubin émerge, mais les travaux ne débuteront que 3 ans plus tard.

S’ensuivent alors une série de perturbations qui freinent les plans : en 2018, des détracteurs s’attaquent au chantier en accrochant des têtes de sanglier sur les grilles de la construction ; en 2021, la société d’architecture responsable des travaux est déboutée suite à un dérapage budgétaire.

Il faudra attendre 2024 pour que le projet soit repris. Les fidèles espèrent pouvoir inaugurer la mosquée avant le mois de Ramadan, comme l’exprime l’imam Saïd Ait Laama : « On espère qu’elle pourra ouvrir en 2025, si possible, un peu avant le Ramadan, en mars ».

3 millions d’euros pour la « troisième plus grande mosquée de France »

Enfin sur pieds, la mosquée d’Angers a coûté plus de 3 millions d’euros. Des ressources exclusivement offertes par la communauté musulmane de France, d’après le président de l’Association.

La mosquée devrait ouvrir ses portes dans le courant de l’année, bien qu’il reste encore des finitions à apporter pour la rendre totalement fonctionnelle.

« Aujourd’hui, il ne nous reste plus que les finitions. On a collecté quasiment trois millions d’euros en tout. Et là, on est au bout du tunnel », affirme Mohamed Briwa, président de l’AMA, et d’assurer : « Tous nos dons viennent des musulmans de France ».

Cette somme impressionnante a permis de construire une mosquée de 2.200 m², incluant un appartement pour l’imam, des studios, et des salles d’enseignement et de conférence.

« Cette mosquée, elle correspond à la dignité que nous devons offrir à nos fidèles. Nous sommes nombreux à Angers, et c’est pour ça que nous aurons la troisième plus grande mosquée de France », exprime l’imam Saïd Ait Laama.

Concernant l’inauguration de la mosquée avant le Ramadan, l’imam explique que rien n’est certain : « Nous pourrions avoir un peu de retard parce que nous dépendons à la fois des dons et de la disponibilité de nos bénévoles, qui ont donné beaucoup d’énergie pour cette mosquée ».

Des ingérences marocaines dans la construction de la mosquée ?

Après tant d’années d’attente et de péripéties, les fidèles préfèrent voir le bon côté des choses, la livraison de la mosquée étant estimée à quelques semaines.

Car oui, le projet tumultueux de la construction soulève des questions. Certains fidèles ne sont pas sereins quant à la source du financement de la construction.

Un intervenant anonyme déclare : « À un moment, on nous dit qu’il faut 4 millions d’euros ; à un autre, on lit qu’il en faut trois. On se demande d’où vient tout cet argent et ce à quoi il sert. Et on n’a jamais pu voir les comptes ».

Les doutes se portent sur de potentielles ingérences marocaines, et pour cause. En 2022, l’Association des Musulmans d’Angers (AMA) avait voulu céder la mosquée au ministère marocain des Habous et des Affaires islamiques.

Ce scénario n’est pas le premier du genre, une mosquée à Saint-Étienne (Loire) a déjà été cédée au ministère marocain en 2012.

L’ex-ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est toutefois opposé à la concession de la mosquée d’Angers au ministère marocain des Habous et des Affaires islamiques.

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