Obtenir ou renouveler son titre de séjour en France est devenu un véritable parcours du combattant pour de nombreux étrangers en situation régulière.

Dans certains départements, comme l’Isère, décrocher un rendez-vous en préfecture est quasi impossible. Cela plonge non seulement les travailleurs étrangers dans la précarité, mais affecte aussi les entreprises qui les emploient.

Aujourd’hui, employeurs et salariés dénoncent un système qui met en péril des emplois.

Rendez-vous à la préfecture en France : un casse-tête aux lourdes conséquences

Avec la mise en place du système dématérialisé pour prendre des rendez-vous à la préfecture, les étrangers en situation régulière sont embourbés dans un casse-tête administratif qui menace leur avenir.

Depuis mars 2024, la préfecture de l’Isère interdit l’accès à ses locaux sans rendez-vous préalable, souligne France Info ce 18 février, ce qui complique toute démarche de demande ou de renouvellement de titre de séjour.

Une situation à laquelle font face de nombreux étrangers, à l’instar de Bruno et Franciele, couple d’immigrés brésiliens installé à Grenoble. Employés respectivement comme ingénieur et dans la finance, ils se retrouvent aujourd’hui suspendus à une prise de rendez-vous en préfecture. Faute de quoi, ils perdront leur droit de rester sur le territoire, leur travail, puis leur logement.

Bruno, dont le titre de séjour expire fin mars, confie à France Info : « Franciele avait rendez-vous avec la préfecture pour prendre son titre de séjour. Mon titre est prêt aussi, mais je n’arrive pas à prendre rendez-vous pour aller le chercher. Je suis allé avec elle pour que l’on prenne notre titre ensemble, mais ce n’est pas possible ».

L’immigré brésilien craint de perdre son travail s’il ne récupère pas ses documents dans les délais impartis. « C’est inquiétant parce que je continue de chercher un rendez-vous mais je ne trouve pas. On essaye tous les jours, quatre ou cinq fois par jour », exprime-t-il.

Les entreprises, ces victimes collatérales

Les employés tels que Bruno ne sont pas les seuls à être impactés par les difficultés imposées par la préfecture aux demandeurs de titre de séjour. Les employeurs sont également touchés.

Dans la commune de Montbonnot-Saint-Martin, dans l’Isère, l’entreprise d’aide à domicile ASDT, qui emploie près de 200 personnes, se retrouve dans une situation délicate.

Ses salariés étrangers font face à ces fameux blocages administratifs : décrocher un rendez-vous en préfecture est impossible, même si l’on s’y met à plusieurs.

« J’ai pour habitude de mobiliser un maximum de personnes sur le peu de temps où on peut avoir un rendez-vous pour faciliter cette démarche. Dans mes souvenirs, on n’a réussi qu’une seule fois », témoigne Fatou N’Diaye, assistante chez ASDT qui, même avec l’aide de ses collègues, n’a pu avoir un rendez-vous.

Pour l’entreprise ASDT, ces retards administratifs compliquent sérieusement la gestion des ressources humaines. Jean-Marie Cezian, co-directeur de l’entreprise, déclare à ce sujet :

« Pour un employeur, être dans l’incertitude, c’est très anxiogène. On a embauché une personne en situation régulière mais qui peut devenir irrégulière à un moment, ça ajoute de la complexité à la gestion des ressources humaines. Et pour ces collaborateurs, tomber dans l’irrégularité peut avoir des conséquences sur leurs droits ».

Consciente du risque de perdre des employés pour des raisons administratives, l’entreprise ASDT cherche à embaucher une vingtaine de nouveaux salariés.

Jusqu’à 11 mois pour avoir un rendez-vous : le collectif « Boug ta préf » dénonce

Le collectif « Bouge ta préf », qui dénonce les difficultés d’accès à la préfecture pour les étrangers, n’a pas tardé à s’emparer du sujet. Après une enquête menée auprès des travailleurs concernées, Dorothée Lagabrielle, membre du collectif et bénévole à l’association Cimade, indique :

« J’ai vu plusieurs personnes qui ont attendu entre 5 et 11 mois pour avoir un rendez-vous, soit pour déposer une demande de titre de séjour, soit pour le retirer ».

Elle pointe notamment du doigt l’absence de contact humain dans cette démarche, étant donné que la procédure est totalement dématérialisée : « Énormément de personnes souffrent de cette manière de les considérer et de n’avoir aucun contact en préfecture. Tout est dématérialisé… Il n’y a aucune manière d’avoir quelqu’un en face de soi ».

Pour les salariés étrangers, ces délais injustifiés ont des conséquences désastreuses : en situation irrégulière, ils perdent leur emploi et, par ricochet, leur logement.

« Plusieurs personnes ont perdu leur droit au travail parce que si on n’a pas de titre de séjour en France, on ne peut pas travailler. Ils peuvent perdre leur logement parce qu’ils n’arrivent plus à payer, donc ils sont expulsés. Les personnes sont dans des situations vraiment difficiles », alerte la membre du collectif « Bouge ta préf ».

De son côté, la préfecture de l’Isère, au cœur des dénonciations, se défend : « Le nombre de créneaux de rendez-vous disponibles est adapté à l’accueil des 15.000 ressortissants étrangers et les délais de délivrance des titres ont diminué à la suite de la réforme ».

Une affirmation qui ne convainc ni les employeurs, ni les travailleurs concernés, première victime du manque de rendez-vous et de l’opacité des procédures d’octroi de titre de séjour.

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