Dans un contexte de crise inédite qui paralyse les relations entre l’Algérie et la France, les appels de politiques français, de la sphère de l’extrême-droite notamment, à la suppression de l’accord franco-algérien de 1968, se multiplient. Mais cet accord, favorise-t-il réellement les algériens de France, comme ils prétendent ?

Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau lui-même et d’autres anciens hauts responsables, comme l’ex-ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, se disent également favorables à la révision, voire la suppression de cet accord.

Pour eux, cet accord facilite l’obtention de titres de séjour pour les Algériens et favorise la hausse de l’immigration issue de ce pays.

Or, l’ensemble des voix hostiles à cet accord se basent généralement sur des discours populistes, dénués de tout fondement juridique et ignorant même la réalité de l’accord en question.

Des avocats dénoncent les contre-vérités sur l’accord de 1968

C’est ce que dénoncent vigoureusement des juristes, ainsi que des personnalités politiques françaises. C’est le cas récemment de l’Union des avocats franco-algériens et de l’ancien Premier ministre français, Dominique de Villepin.

À l’issue d’une réunion en Assemblée générale ordinaire à Paris, le 16 janvier 2025, l’Union des avocats franco-algériens (UAFA) a regretté « les contrevérités alléguées par certaines personnalités politiques françaises, relayés avec complaisance par les médias », à propos de cet accord.

Le fait de présenter cet accord comme facilitant l’obtention d’un titre de séjour et l’accès au travail des Algériens est une lecture qui « procède d’une ignorance totale de la réalité, relevant simplement du mythe », dénonce d’emblée le collectif.

Selon le communiqué envoyé à notre rédaction, l’accord de 1968 demeure certes favorable aux ressortissants algériens, en dérogeant au droit commun, mais il a été régulièrement vidé de sa substance au terme des trois avenants intervenus successivement en 1985, en 1994 et en 2001.

Pour l’UAFA, les personnalités qui appellent à la suppression de l’accord n’ont même pas pris la peine de le consulter ou de demander l’avis des spécialités en droit, car leurs argumentaires ne reflètent en rien le contenu de l’accord en question.

Parcours du combattant pour les Algériens

S’ils l’avaient fait, ils auraient su que cet accord « ne facilite en rien l’installation en France des Algériens », d’autant que le visa long séjour n’est pratiquement pas délivré et que même le regroupement familial des Algériens relève du parcours du combattant.

Pour étayer ses propos, l’UAFA précise aussi que les mineurs algériens n’ont droit au titre de séjour à leur majorité que s’ils sont entrés avant l’âge de 10 ans, alors que cet âge est porté à 13 ans pour toutes les autres nationalités. Ici encore, cet accord est défavorable aux Algériens.

Le communiqué de l’UAFA a énuméré plusieurs autres volets, dont les étudiants, les retraités et les travailleurs, dans lesquels les Algériens auraient pu être favorisés aux termes de cet accord, mais qu’au contraire, ils y sont complètement défavorisés par rapport aux autres étrangers en France.

Ainsi, le collectif affirme que l’immigration algérienne n’est donc en rien massive (quasi égale à l’immigration marocaine), « alors qu’elle aurait dû être plus importante au regard de son ancienneté et de ce fameux accord tant décrié ».

De plus, les préfectures réduisent chaque jour cet accord à néant « en le piétinant de manière flagrante, même pour les rares avantages exorbitants au droit commun », dénonce encore l’Union des avocats franco-algériens.

Dénoncer l’accord franco-algérien : « C’est ça une diplomatie ? »

De son côté, Dominique de Villepin, ancien Premier ministre, a vivement critiqué, dans un entretien accordé à Mediapart, la manière dont les hommes politiques français dénoncent l’accord de 1968 avec l’Algérie.

Pour lui, réduire toute l’histoire commune entre les deux pays à la simple déclaration : « il faut supprimer l’accord de 1968 », est inconcevable et n’est que surenchère.

« C’est ça, une diplomatie ? C’est ça, une politique vis-à-vis d’un pays avec lequel nous sommes liés par la culture, l’histoire, la géographie et les peuples ? », s’est-il demandé dans une question purement rhétorique.

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