Directrice de l’Institut Pasteur en France, chercheuse mondialement reconnue pour ses travaux, et récemment lauréate du prix Great Arab Minds en médecine, appelé le « Nobel du monde arabe », Yasmine Belkaid, revient sur ses origines algériennes et son éducation en Algérie.
Née 1968 à Alger d’un père algérien, Aboubakr Belkaid, et d’une mère française, Pr Yasmine Belkaid a commencé ses études de biologie à l’université d’Alger avant d’entamer une carrière internationale, aux États-Unis et en France. Celle qui est devenue une experte internationalement reconnue du microbiote revient sur son éducation algérienne.
« Je ne serais pas arrivée là si je n’avais pas eu mon père »
Dans un entretien accordé au journal Le Monde ce dimanche 29 décembre, la chercheuse n’a pas manqué de rendre hommage à son père, sans lequel elle n’aurait pas eu autant de succès dans son domaine. « Je ne serais pas arrivée là si je n’avais pas eu mon père », dit-elle.
Aboubakr Belkaid était autodidacte, mais il a su gravir les échelons de l’administration algérienne jusqu’à devenir ministre dans les années 1980. C’était un homme « merveilleux » qui laissait entendre « qu’on pouvait poser des questions sur tout ».
Bien qu’il eût des valeurs et une forte dimension morale, « tout pouvait se discuter » avec lui, explique Yasmine Belkaid.
« Il m’a appris à regarder le monde avec distance ». Pendant la guerre d’Algérie, il avait intégré les rangs du FLN et avait toujours milité pour l’indépendance de son pays.
Après l’indépendance, il a été plusieurs fois ministre, avant d’être assassiné durant la décennie noire.
Sa mère, française, était également engagée pour l’indépendance de l’Algérie. Elle est revenue en Algérie après l’indépendance, où elle a rencontré et épousé le père de Yasmine.
C’est à peu près dans cette symbiose que la chercheuse de renommée mondiale a grandi à Alger. Elle garde d’ailleurs des souvenirs très précis de sa vie de jeune fille à Alger : « La lumière. Les levers de soleil rouges, orange, violets, imprégnés du sable du désert… ». « J’étais émerveillée par cette beauté », se souvient-elle.
« Ma grand-mère algérienne m’a donné envie d’apprendre »
Ses deux grands-mères, issues de mondes totalement différents, l’ont également aidé, chacune à sa manière, de devenir ce qu’elle est actuellement. Elle a découvert la science grâce à sa grand-mère maternelle, pharmacienne.
« Dans sa pharmacie, il y avait un laboratoire… J’adorais y jouer », se souvient la chercheuse. Grâce à cette grand-mère en blouse blanche, « la science a revêtu d’emblée pour moi une dimension mystique », affirme Yasmine Belkaid. Elle lui a donné l’envie « de comprendre ».
Sa grand-mère paternelle, Algérienne, qui ne savait ni lire ni écrire, lui a donné l’envie « d’apprendre ». Elle raconte d’ailleurs qu’elle avait amené ses filles à Alger pour qu’elles puissent recevoir la meilleure éducation possible, en leur disant : « Allez, sortez de la cuisine, travaillez ! ».
Côté religion, l’influence de ses grands-mères l’a également forgée. Sa grand-mère algérienne était musulmane qui pratiquait un islam très tolérant. Ses grands-parents français étaient chrétiens, très ouverts aussi.
De son côté, et ayant grandi dans cette dichotomie, imprégnée de tolérance, Yasmine se dit avoir une très grande croyance dans le pouvoir de la science. Mais aussi « un grand respect pour les choix individuels ».